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Les premiers pas d’une Acadie en devenir : 1630-1700

Le début de l’aventure française en Amérique, qui remonte aux voyages de Cartier et s’étale peu après la fondation de Port-Royal, permet de rendre compte des premiers balbutiements de la toute jeune colonie. Si la période antérieure à 1630 présente les faits saillants de la naissance de l’Acadie, la période de 1630 à 1700 marque en quelque sorte la réalisation de ses premiers pas.

Présage d’un futur mouvementé, le deuxième souffle de la colonie est favorisé par la position des puissances impériales de l’Occident. En effet, les affrontements entre la France et l’Angleterre, qui perdurent jusqu’à la fin des années 1620, offrent une conjoncture qui n’est pas favorable au financement d’expéditions ni à la colonisation sur un territoire contesté. Ainsi, la signature du traité de St-Germain-en-Laye, en 1632, par lequel l’Angleterre cède l’Acadie à France, s’est avérée nécessaire à la relance de l’entreprise coloniale en Nouvelle-France.

Cette mission de coloniser l’Acadie au nom du roi de France fut confiée à Isaac de Razilly, promu lieutenant-gouverneur en Nouvelle-France et gouverneur de l’Acadie par le cardinal de Richelieu, ministre des affaires coloniales sous Louis XIII. En l’année 1632, il accoste à La Hève, accompagné de plus de trois cents hommes, parmi lesquels se trouvent Charles de Menou d’Aulnay et Nicolas Denys, qui deviennent des figures dominantes en Acadie. L’avenir de la jeune colonie parait prometteur. Toutefois, la mort de Razilly en 1636 a des conséquences sévères pour le développement de la colonie puisque les successeurs de Razilly, les sieurs d’Aulnay et de La Tour, ne tardent pas à exposer au plein jour leur rivalité.

C’est en 1645 que prendra fin cette lutte pour le pouvoir qui oppose La Tour, administrateur des établissements du Cap-Sable et de la rivière Saint-Jean et d’Aulnay, qui contrôle entre autre la région de La Hève, de l’Île de Sable et de Port-Royal. Alors que La Tour est absent, d’Aulnay attaque son fort situé à l’embouchure de la rivière Saint-Jean. Malgré une défense énergique, commandée par l’épouse du sieur de La Tour, Françoise-Marie Jacquelin, l’ennemi est supérieur en nombre et elle doit capituler trois jours plus tard. La Tour s’installe donc à Boston puis à Québec mais ce n’est que partie remise. En effet, en 1650, d’Aulnay meurt noyé lors d’une promenade en canot. La Tour en profite pour effectuer un retour en Acadie, épouser la veuve du sieur d’Aulnay, Jeanne Motin de Reux et accéder au poste de gouverneur de l’Acadie. Il n’est toutefois pas

au bout de ses peines puisqu’il dispose d’un autre puissant rival en la personne d’un marchand banquier de La Rochelle, Emmanuel Le Borgne, un créancier de d’Aulnay, qui réclame auprès de sa veuve le remboursement des importantes sommes prêtées à ce dernier.

En plus de ces luttes internes, de nombreuses difficultés résultent de l’instabilité politique des puissances impériales qui se servent de l’Acadie comme d’une monnaie d’échange. Des hostilités entre la France et l’Angleterre, qui perdurent durant toute la période, découlent de nombreux conflits frontaliers avec les Anglais établis en Nouvelle-Angleterre dont les attaques inattendues freinent les efforts d’implantation française sur le territoire. C’est d’ailleurs pour se débarrasser de la présence française en Acadie qu’en 1654, en temps de paix, Robert Sedgwick et une flottille du Massachusetts attaquent et saisissent différents établissements acadiens. Port-Royal, le plus important établissement français en Acadie, est aussi capturé par l’expédition de Sedgwick. La capitulation française qui s’ensuit permet au roi Charles II d’Angleterre de nommer Sir Thomas Temple à titre de gouverneur de l’Acadie, rebaptisée Nova Scotia. Toutefois, le traité de Bréda de 1667 restitue l’Acadie à la France et en 1670, Hector d’Andigné de Grandfontaine arrive dans la colonie comme gouverneur. L’Acadie est passée sous contrôle royal et connaît un développement modeste. Les Anglais de la Nouvelle-Angleterre ne lâchent cependant pas prise et capturent Port-Royal à nouveau en 1690. Les habitants français de l’endroit sont forcés de prêter serment à la couronne d’Angleterre. Les Anglais reviennent à nouveau à Port-Royal en 1695 et exigent la prestation d’un même serment ; la très grande majorité des habitants de l’endroit vont se plier à la demande. Le traité de Ryswick de 1697, mettra temporairement fin à ces hostilités en remettant l’Acadie à la France.

Malgré l’instabilité politique, certaines tentatives de colonisation s’avèrent fructueuses et plusieurs établissements sont fondés durant la période. Le premier recensement mené en Acadie en 1670, souligne d’ailleurs qu’une soixantaine de familles, soit quelques 300 habitants y vivent. Au-delà des installations originelles, dont Port-Royal demeure le chef-lieu, est colonisée la région de Beaubassin en 1671, du Bassin des Mines et de Grand-Pré au début des années 1680 où les Bourgeois, les Thériot et les Melanson font figure de pionniers.