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La fondation des nouveaux villages: quête de liberté et de sécurité


Il fut longtemps mentionné que les contraintes territoriales avaient constitué la raison principale du départ des Acadiens de Port-Royal et qu’elles expliquaient par le fait même la fondation des nouveaux établissements dans le dernier quart du 17e siècle. Néanmoins, il semble que ce soit la volonté de se soustraire de la surveillance des autorités françaises ainsi que de se mettre à l’abri des attaques incessantes des Anglais qui en sont les causes probantes.

Établies dans les dernières décennies du 17e siècle, les localités de Beaubassin, dans le bassin de Chignectou, et de Grand-Pré, dans le bassin des Mines, sont anéanties lors du Grand Dérangement de 1755. Ces établissements, d'où provient une majorité d'Acadiens, constituent aujourd’hui des symboles de la tragédie qui a frappé ce peuple. Ces localités se partagent en effet la palme des établissements ayant connu la plus rapide expansion durant la période de 1670 à 1710.

Les pionniers de Beaubassin

Ce sont les magnifiques terres d’alluvions du bassin de Chignectou qui ont suscité l’intérêt de ses premiers visiteurs, dont étaient Charles de Menou d’Aulnay et Jacques Bourgeois, qui avait fait avec ce dernier le voyage vers l'Acadie en 1642. Habitant prospère, Bourgeois choisit de quitter Port-Royal en 1672 pour établir la ColonieBourgeois sur la baie de Chignectou, avec deux de ses fils et ses trois gendres.

Ces pionniers eurent bientôt de la compagnie puisqu’en 1676, le seigneur Michel Leneuf de la Vallière, installé à Trois-Rivière, obtient la concession de tout le territoire de Chignectou, à l’exception des terres déjà occupées. Pour aménager sa seigneurie, qu’il nomme Beaubassin, la Vallière incite les Chiasson, Haché-Gallant, Lagacé et plusieurs autres familles à quitter le Canada pour se joindre aux Arsenault, Bourgeois, Cormier, Gaudet, Poirier, etc., déjà installés dans la région de Beaubassin.

Au tournant du 18e siècle, l’établissement connaît un essor remarquable et il s’y élève bientôt une église, des moulins à farine, une scierie, entourés de fermes fertiles et bien cultivées. Malgré cet important développement toutefois, Beaubassin ne parvient pas à atteindre le niveau de croissance du bassin des Mines. Le départ de la Vallière pour le Canada, la prise en charge de la colonie par son gendre, ainsi que les raids britanniques menés de la Nouvelle-Angleterre en 1696 et en 1704 semblent en être les causes premières.

Le nouveau coeur de l’Acadie: l’essor du bassin des Mines

Un peu après la fondation de Beaubassin, on assiste, au début des années 1680, à la naissance des premiers établissements au bassin des Mines. Connue des Européens depuis le début du 17e siècle, la région fut baptisée Les Mines pour rappeler les filons de cuivre qui y avaient été repérés.

Pierre Thériot et Pierre Melanson, qui s’installent aux Mines au début des années 1680, en sont les pionniers ainsi que les fondateurs de Grand-Pré, situé au coeur de la région et dont le nom fait allusion au millier d'hectares de marais fertiles qui s'y trouvent. Même si, au moment des premières installations, les terres sont octroyées à Alexandre Le Borgne de Belle-Isle puis, dans les années subséquentes, à la famille La Tour , Mathieu de Goutin, commissaire en chef et magistrat, rapporte au début du 18e siècle que la prospérité des Mines résulte des efforts de Pierre Thériot bien plus que des actions des propriétaires officiels du territoire. Dans une lettre datée du 9 septembre 1694, de Goutin reconnaît déjà que Thériot «est le plus considerable des Mines dont il est comme le fondateur ayant avancé presque tous ceux qui y sont venu s’habituer, sa maison estant l’asile de tous les veuves et orphelins et gens necessiteux».

Se joindront à ces pionniers un grand nombre de familles, si bien qu’au tournant du siècle, Les Mines rivalisent avec Port-Royal comme chef-lieu de la colonie française. Au recensement de 1701, on dénombre 506 habitants aux Mines – dont 124 à Grand-Pré – alors qu’à Port-Royal et Beaubassin, on en retrouve respectivement 456 et 188. Quant au recensement de 1714, il rapporte que la population de Grand-Pré a doublé, regroupant à cette date 287 âmes.

Utilisant la méthode traditionnelle d'endiguement pour protéger leurs terres des marées salées du bassin, les fermiers de Grand-Pré obtiennent une production agricole qui leur permet d'en exporter les surplus. Les habitants des Mines ont tôt fait d’assurer leur subsistance grâce à la culture des fruits, des produits maraîchers et des céréales, à laquelle s’ajoutent quantité de viandes de boucherie ainsi que les rendements de la pêche à la morue. De plus, il importe de considérer les possibilités offertes par les réseaux d’échanges qui lient les Mines avec Port-Royal, le Canada et la Nouvelle-Angleterre, permettant ainsi d’écouler les surplus tout en assurant la prospérité de certains acadiens, qui font du cabotage. Attirés par la sécurité et par la stabilité qu’offre le bassin des Mines, les Acadiens s’y installent en grand nombre au tournant du siècle, si bien qu’en 1750, la population atteint le cap des 2700 habitants.

Laissons maintenant un observateur de l’époque, le futur évêque de Québec, Jean-Baptiste de St-Vallier, nous présenter une brève description de la situation de Beaubassin et du bassin des Mines, telle qu’il l’observe en 1686 lors d'un voyage en Acadie. Voyons comment celui-ci perçoit les développements qui s’y font, notamment quant aux moyens de subsistance et au mode de vie des habitants.




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Source : Équipe de production