Axe 1 : édition 4 > Document







Les années noires de l’Acadie: le Grand Dérangement (1755-1763)


1755-

Les dirigeants britanniques étant déterminés à en finir avec la présence acadienne en Nouvelle-Écosse, une flotte de 36 navires est déléguée à l’embouchure de la rivière Missaguash (près du fort Beauséjour) le 2 juin, dans laquelle prennent place 2 350 soldats et miliciens. Le gouverneur du Massachusetts, William Shirley, collabore aussi à cette expédition en dépêchant une cohorte de 2 000 hommes.

Se voyant incapables de résister à une telle attaque, l’abbé Le Loutre et le commandant Duchambon de Vergor choisissent de brûler la nouvelle église, les maisons, les granges et toutes les autres structures de la région de Beauséjour (N.-B.). Le fort inachevé offre peu d’opposition; son siège ne dure que 12 jours. Le 16 juin, un obus pénètre une casemate et tue quatre personnes. Vergor demande alors un cessez-le-feu, requête à laquelle le colonel Monckton acquiesce le jour même. Le sort de l’Acadie est alors jeté.

Suivant la conquête du fort Beauséjour, le colonel Charles Lawrence adopte une résolution le 28 juillet 1755, où il prévoit l’éparpillement des Acadiens sur le continent nord-américain, ainsi que l’implantation de mesures visant à empêcher leur retour. Il ordonne ensuite le rassemblement des habitants de l'Acadie pour les aviser de leur expulsion.

Le 31 juillet, Lawrence donne ses instructions et déploie les forces anglaises de la façon suivante : le colonel Robert Monckton est chargé de l'isthme de Chignectou, le colonel John Winslow, du district des Mines, le capitaine Alexander Murray, de celui de Pigiguit, et le major John Hanfield, déjà en poste à Annapolis Royal, de ce district.

Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse sont alors embarqués sur des navires à destination des colonies britanniques de la côte atlantique où ils sont maintenus et éventuellement dispersés. De 6 000 à 7 000 Acadiens sur 13 000 sont expulsés en 1755.

Un groupe de résistants acadiens, dirigés par Joseph Broussard dit Beausoleil, poursuit la lutte et mène une série d'opérations de guérilla contre les Britanniques.

1756-

C’est le début de la guerre de Sept Ans entre la France et l’Angleterre. Pour une des rares fois depuis le début de la colonisation franco-anglaise en Amérique, le conflit débute dans les colonies et ne se propage qu’ensuite à l’Europe. Malgré l’infériorité numérique des Français en Amérique et l’absence d’un appui de la mère patrie, qui concentre ses efforts en Europe, ceux-ci remportent des victoires pendant les deux premières années du conflit.

Le chevalier de Boishébert, qui mène un groupe d’Acadiens dans la région de Petitcodiac, offre d’ailleurs une solide opposition aux Anglais, ces derniers se voyant obligés de fuir.

1758-

L’expédition anglaise à l’île Royale, menée par l’amiral Edward Boscawen, se solde par la prise de la forteresse de Louisbourg, le 26 juillet. En effet, après 56 jours de siège et de bombardements intensifs, les Français rendent les armes. Il faut dire que le rapport de force entre les deux armées était assez inégal: contre 11 602 Britanniques, les Français ne peuvent opposer que 5 731 hommes. La chute de Louisbourg, suivie de sa destruction totale, marque la fin de la colonisation française en Amérique du Nord.

Une seconde vague de déportations massives se met en oeuvre, avec l’expulsion des Acadiens des îles Royale et Saint-Jean. Alors que sont vidés les grands centres, sous les ordres de Lord Rollo, plus de 600 individus fuient vers la Miramichi et le Canada. Les Anglais réussissent tout de même à mettre la main sur 3 500 Acadiens, qu'ils expédient en Angleterre et en France. En cours de route, 700 déportés périssent en mer lors du naufrage de deux des neuf navires sur lesquels ils étaient embarqués.

1759-

La Déportation suit son cours. Les gouverneurs des colonies américaines, informés de l'arrivée des déportés par une lettre que Lawrence confie aux capitaines des navires, ne sont guère enthousiasmés de recevoir les Acadiens dans leurs colonies, majoritairement protestantes et anticatholiques. Éparpillés dans les colonies, ces Acadiens vivent à la charge de l'État, leur sort voisinant celui des pauvres, également à charge des « bonnes oeuvres ».

En Nouvelle-France, la fin de la présence française se fait sentir alors qu’une expédition anglaise dirigée par James Wolfe et composée de 49 vaisseaux de guerre et de 119 troupes fait son apparition le 26 juin dans le fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de l’Ile d’Orléans. Les nombreuses erreurs de Montcalm, pourtant avantagé numériquement (15 000 Français contre 8 500 Britanniques) et entouré de fortifications que l’ennemi doit prendre d’assaut, permettent aux Anglais de remporter la bataille des plaines d’Abraham, après plus de trois mois de siège. Quelques jours plus tard, le 18 septembre, Québec capitule.

1760-

Ce qui reste de l'armée française se réfugie à Montréal sous les ordres du gouverneur Rigaud de Vaudreuil. Au printemps, le commandant François de Lévis, s'empare de Sainte-Foy et espère recevoir du secours de la France une fois le fleuve dégelé. Au contraire, les premiers bateaux à atteindre Québec sont anglais et Lévis doit retourner à Montréal. À la fin de l'été, trois armées anglaises assiègent la ville. Vaudreuil capitule le 18 septembre 1760. La Nouvelle-France n’existe plus.

Le dernier affrontement entre Français et Britanniques en Acadie prend place à l’été, à Ristigouche, dans la baie des Chaleurs, et met en scène des flottilles anglaises et françaises. Remportant ces derniers combats, les Britanniques s’approprient le Canada tout entier.

1762-

Un contingent de 1 300 Acadiens est envoyé à Boston. Ce sont les derniers Acadiens qui subissent la Déportation. Le Massachusetts refusant toutefois de les accueillir, ils sont ramenés à Halifax et détenus comme prisonniers de guerre.

1763-

Le traité de Paris, signé le 10 février, met fin à la guerre de Sept Ans. La France cède officiellement le Canada à la Grande-Bretagne. Le vaste empire français en Amérique du Nord se réduit dorénavant aux seules îles de Saint-Pierre et Miquelon, au large de Terre-Neuve.