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Les débuts de l'aventure française en Amérique :
de Jacques Cartier à Port-Royal

Si l'aventure acadienne débute avec l'établissement d'une première habitation à l'Île Sainte-Croix en 1604, il nous faut, pour bien saisir l'importance de cet événement, remonter dans le temps. En effet, dès la fin du 15e siècle, les grandes puissances européennes, qui cherchent un passage vers l'Orient et ses richesses mythiques, portent leur attention vers la côte atlantique de l'Amérique du Nord. Bien des marchands et autres entrepreneurs européens, qu'ils soient Anglais, Basques, Espagnols, Français ou Portugais, y profitaient d'ailleurs déjà de l'abondance des pêcheries atlantiques, notamment celles des grands bancs de Terre-Neuve, et découvraient avec autant d'intérêt le lucratif marché des fourrures. Quelques installations non-permanentes, construites pendant cette période, leur assuraient la continuité de ce fructueux marché.


Les voyages de Jacques Cartier de 1534 et de 1535 avaient donné un avantage de taille aux intérêts français, alors que le marin de Saint-Malo avait pris possession de cette Nouvelle-France au nom du roi François Ier.

Deux tentatives privées de colonisation, motivées par des espoirs de richesses, ont également été tentées juste avant celle du sieur de Mons. En 1598, en attendant de trouver un endroit plus propice où fonder sa colonie, un aristocrate breton, le marquis Mesgouez de la Roche, débarque environ 50 prisonniers et mendiants sur l'Île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse actuelle; ce n'est qu’en 1603 que des navires reviennent chercher les rescapés, une dizaine, pour les rapatrier en France. En 1600, un entrepreneur français de Dieppe, Pierre Chauvin de Tonnetuit, installe des hommes dans un petit poste de traite à Tadoussac, à l’embouchure du Saguenay. Le premier hiver y est désastreux, la plupart des hommes ayant été décimés par le scorbut, et les survivants devant en bonne partie leur vie à l’aide des Amérindiens montagnais.

Le 8 novembre 1603, au château de Fontainebleau, un ancien compagnon d’armes du roi Henri IV de France, Pierre Dugua, sieur de Mons, obtient le monopole de la traite des fourrures en Nouvelle-France sur un territoire s'étendant du Golfe du Saint-Laurent jusqu'à la Pennsylvanie actuelle. Les revenus de la traite des fourrures devaient lui permettre, entre autres, d'y financer l'implantation d'une colonie durable. Une association de marchands lui ayant

permis d'affréter une petite flottille, le sieur de Mons quitte le Havre-de-Grâce au printemps 1604 avec deux bateaux à destination « des côtes, terres et confins de l’Acadie, du Canada et autres lieux en Nouvelle-France », tel que le précisait la commission de lieutenant général que lui avait accordée le roi Henri IV. D'autres navires pousseraient quant à eux jusqu'à la vallée du Saint-Laurent pour poursuivre la traite des fourrures avec les Amérindiens. L’expédition du sieur de Mons comptait environ 120 hommes. Outre une majorité d’engagés divers, s'embarquent donc pour l'Acadie François Dupont-Gravé, commandant, Jean de Biencourt de Poutrincourt, qui deviendrait seigneur de Port-Royal, Louis Hébert, un apothicaire de Paris, l'abbé Nicolas Aubry et un pasteur protestant ainsi que le cartographe et géographe Samuel de Champlain.

Il est intéressant de noter que Pierre Dugua de Mons, Samuel de Champlain et François Dupont-Gravé étaient déjà venus à Tadoussac avant leur expédition de 1604.
Les deux premiers avaient été invités à titre d'observateurs, respectivement en 1600 et en 1603, le dernier, comme commandant, lors de l’expédition de 1603 : ils avaient donc déjà une certaine expérience du Nouveau Monde lors de leur arrivée en Acadie.

L'arrivée des équipages menés par de Mons à l'Île Sainte-Croix en 1604, mais surtout leur installation à Port-Royal l'année suivante, marque le début de la colonisation française permanente en Amérique du Nord. Port-Royal demeurera d'ailleurs le chef-lieu de l'Acadie française pendant tout le 17e siècle.