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Mont-Carmel, Î.-P.-É.
Roger à Alyre, à Calice, à Frank Urbain Arsenault. J'viens d'une grande famille, j'ai sept frères et sept soeurs, j'suis le huitième garçon alors quinze enfants. Ça, j'ai venu au monde en 1940 et puis on avait pas d'électricité. Alors y avait pas de fournaise avec des p'tits thermostats dessus là et pis les hivers, ils étiont durs. On avait pas beaucoup d'argent, mais y avait de l'amour dans la maison. On était capable de jouer, on faisait tous sortes d'affaires. Y avait toujours, on avait tous chacun une job que j'dirais, et pis moi si j'peux te faire rire avec ceci, la mienne, c'était dévider les pisse-pots, tu sais, fallait tous faire queq'chose. Les autres, c'était nettoyer les souliers des garçons pour aller voir les filles les plus vieux et puis dans l'automne, y fallait, y rentrait des grosses pochées, des gosses là, tu sais, les fayots, pis fallait toute piocher ça avec une bat là et pis là on dépluchait les fayots. C'était des frolics qu'on appelait ça. Dans le printemps, c'était faire la laine des brebis; écharpie - c'est tu un mot ça, écharpie? - écharpier la laine et puis on habitait sur une ferme, mon père avait une ferme, alors c'est pour ça on avait en masse à manger. Y fallait toutes travailler sur les patates, on avait des pommes de pré, on avait des pommes, on avait des poules, on avait tout ce que tu veux. Alors dans ce temps-là, j'crois bien qu'on était appelés du monde riche, mais quand même on avait pas d'argent… Du travail. Ça travaillait dur le monde. Mon père là, c'était du monde qui travaillait ces vieux-là parce qu'y avait pas de machinerie comme qu'y a aujourd'hui. Je me rappelle d'avoir fait du foin avec la fourche là pis toute ça, c'était de la grosse ouvrage. Je me rappelle très bien que dans l'hiver, y fallait du bois, fallait 8 à 10 cordes de bois pour réchauffer l'hiver d'après et puis les voisins venaient et pis y alliont avec mon père et les plus vieux garçons, mes frères, puis y faisiont le bois pis là ça s'en venait chez nous avec les chevaux pis là y fallait le scier avec la grosse scie là, tu sais, et puis c'était pas un tracteur qui faisait virer la scie. C'était un gros moteur à, un pot-pot qu'ils l'appeliont ça avec la fan belt là. Pis là, ça c'était un frolic. Ça prenait deux jours pour couper le bois pis là fallait que mon père y aille rende le temps sur les autres voisins qui sont venus lui aider. La même chose se faisait quand on venait dans l'automne pour battre le grain, tu sais j'veux dire battre là tu sais, y avait une paire de chevaux qu'allait chercher le grain dans le champ, les autres étiont à la maison au ras la grange, pis y faisiont battre le grain pis toute ça. Alors c'est comme ça que ça se faisait. Aujourd'hui, tu peux pu, t'as des voisins, tu sais pas qu'est-ce qu'y sont. Je me rappelle que y avait une famille à côté de nous autres pis là j'ai pas été assez loin t'à l'heure là, on poussait le blé pis on allait avec mon père avec les chevals mener ça pour faire la grisse qu'ils appellent là, tu sais de faire le blé en farine, anyway, cette famille, ils aviont, alle avait ici, alle avait trois enfants, alle a été laissée toute seule. Si ça avait pas été de sur mon père pis ma mère, ils l'auriont eu dur à vivre ce monde-là. Ma mère nous envoyait leur porter de la farine et puis du porc et du bif et puis y avait pas de freezer, y avait pas d'électricité. Sais-tu oùsse qu'était notre freezer? C'était dans la grainerie, y faisions geler la viande pas embourrée, on allait mettre ça quand alle était bien gelée dur partout dans l'avoine, dans le grain pis quand ma mère le matin voulait du roast beef pour souper, on allait là, les p'tits garçons, pis on fouillait dans le grain pis on trouvait ce que c'est qu'a voulait. Alors cette famille-là, je me rappelle assez bien, on y'eur portait des patates, des carottes, toute ça. Dans ce temps-là, y avait pas de social service, de la welfare, y avait pas de ça. Le monde-là qui était laissé avec des familles, ça pâtissait. Pis l'aviont pas de ferme, z'eux. Alors c'est pour ça que j'dis que nous autres, asteure, aujourd'hui, j'vois on était riches. C'était comme qu'on dit, c'était le bon vieux temps, le bon vieux temps. Aujourd'hui, ça me fait mal au coeur que les voisins, ça se parle pas, ça se connaît pas. Y a tellement de choses pour les distracter que ils ont pu le temps de faire ça. Nous autres, dans ce temps-là, quand t'avais pas de télévision, t'avais pas rien, fallait tu faises ton affaire. Je me rappelle d'un vieux bonhomme, y venait chez nous, y avait pas un soir d'hiver qui venait pas pour jouer aux cartes avec mon père et ma mère, les plus vieux garçons. Les grosses, grosses tempêtes, on disait : «  Bien Théodore va pas venir ce soir.  » Pis il était à peu près un mille de chez mon père. Y marchait dans la neige presque aux hanches pour venir pour faire ça. Alors, c'était du monde avec amitié… Ah! La musique! Je la fais encore! Ça fait 60 ans que je joue et puis encore cette semaine, j'ai fait ça pour un manoir à Summerside ici, je le fais parce que j'espère, j'arrive à l'âge de la vieillesse, 66 ans, que y aura quelqu'un qui sera capable de venir jouer quand j'serai dans ma chaise-roulante.
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Titre : Mont-Carmel, Î.-P.-É.
Description : Roger Arsenault parle de la vie quotidienne dans une ferme au milieu du 20e siècle à Mont-Carmel, Î.-P.-É.
Sujets : villages
Source : Connections Productions
Langue : français
Date : 2007-03-21
Créateur : Connections Productions
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